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Renaissance

C ‘était en 1415.

Conrad Bayer de Boppard, appelé au siège épiscopal de Metz, entreprit de rendre à son évêché la grandeur qu’il avait eu sous les prélats Jean d’Apremont et Jacques de Lorraine.

A l’instar de tous les pontifes de son siècle, on le voyait plutôt à cheval, la menace à la bouche, la lance au poing que la mitre sur la tête.

Evêque guerrier, son épiscopat fut une longue chevauchée de Metz à Epinal, d’Epinal à Rambervillers, à Moyen, à Baccarat, à Vic, à Abbestroff, etc…

Conrad Bayer de Boppard avait résolu de faire de sa Chatellenie de Moyen une des plus fortes et des plus vastes de l’évêché.

Il commença par la retirer des mains du sire d’Ogéviller auquel elle avait été engagée, acheta au chapitre de Metz ses droits sur le ban Saint-Clément et fit reconstruire le château de Moyen qu’on peut considérer comme un des plus remarquables de ce temps.

Achevée vers 1441, la construction de ce château excita la jalousie des seigneurs voisins et leur inspira des craintes. Ils essayèrent à diverses reprises de la contrecarrer. Conrad l’ayant appris se contenta de répondre “En grogne qui voudra ! ” et baptisa fièrement son château “Qui qu’en grogne”.

Les habitants de Rambervillers, Epinal et Vic, sujets de l’Evêque, furent contraint de venir y travailler par corvée. Eux aussi se plaignirent et leurs plaintes furent acceuillies comme l’avaient été les menaces des seigneurs de Magnières et de Gerbéviller : “Qui qu’en grogne !”.

Et le fier château s’éleva, bravant l’envie des uns, écrasant et foulant la liberté des autres.
Il fut, de fait, autant un instrument d’oppression que de défense, pour la population environnante.
Ses basses-fosses et ses oubliettes furent témoins de bien des atrocités.

Légende (ou pas ?) : pendant que l’on creusait le puit du château, de pauvres femmes étaient venues de Rambervillers et d’Epinal apporter des vivres à leurs maris qui y travaillaient par corvées.
Un éboulement se produisit, plusieurs de ces malheureux périrent, écrasés ou étouffés. Comme leurs femmes se lamentaient et que de sourdes plaintes annonçaient une révolte prochaine, Conrad l’orgueilleux et intraitable seigneur se contenta de dire : “Qui qu’en grogne !”
Et pour suppléer les bras que l’accident venait de lui prendre, il retint les femmes des morts et les firent travailler à leur place…

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image probablement inversée : l’église du village se trouve à l’ouest du chateau, pas à l’est.

George de Bade : né à Pforzheim (actuellement en Allemagne) en 1433, il succéda à Conrad Bayer de Boppard comme évêque de Metz en 1459, à l’âge de 26 ans.
Il décéda au château de Moyen le 11 octobre 1484.

  • En 1449, les troupes de l’évêque font des “courses” sur les terres d’Epinal et viennent mettre le produit de leurs pillages en sûreté au château de Moyen.
  • En 1475 les Bourguignons s’attaquent au château
  • En 1521, Jean III de Lorraine (nommé évêque de Metz à l’âge de … 7 ans) hypothèque de nouveau Rambervillers, Baccarat et Moyen, comme gages d’un emprunt de 20.000 livres.
  • A partir de 1551, Metz tombe au pouvoir du roi de France (Henri II). Toutes les propriétés de l’évêché tombent dès lors en possession de la France.
  • En 1555, Robert de Lenoncourt, évêque de Metz (serviteur du roi de France) obtient une garnison française pour Moyen.
    Pendant la seconde moitié du 16ème siècle, Moyen fut souvent traversée par les troupes de huguenots allemands qui venaient au secours de leurs co-religionnaires français, et par les troupes impériales alliées des catholiques.
    Moyen parait avoir servi de point de concentration à ces troupes mercenaires, et doit avoir souvent été mis au pillage. ce qui explique les conditions draconiennes que l’évêque imposa aux habitants de sa Chatellenie de Moyen en 1605 pour leur concéder le droit d’asile dans l’enceinte du Qui-Qu’en-Grogne.
  • 1582 Passage des bourguignons.
  • 1587 Première apparition de la Peste
  • En 1588, les déprédations des troupes mercenaires sont telles et la misère si grande que les seigneurs sont obligés de réduire les droits féodaux.
  • 1591 Les Espagnols saccagent la forteresse
  • 1597 Les reîtres font probablement les plus gros dégats au château. Battus à Thiébauménil, ils brulent le village et le château. Le château sera reconstruit et c’est sans doute à cette époque que sont apparues les fenêtres à meneaux visibles en diverses parties du bâtiment
  • 1610 Retour de la Peste. La contagion fut telle, rapporte la tradition, qu’il fallut évacuer les pestiférés dans la campagne, où on leur construisit des baraquements aux lieux dits : aux Boris, à la Ladrerie, à la Gadremée, au Sorbier.
  • 1630 Nouvelle invasion d’impériaux, qui ruinent les pays de Rambervillers et Moyen, du mois de février au mois de novembre, sous prétexte de secourir Charles IV de Lorraine.

Dès l’annexion de Metz, Moyen dû recevoir une garnison française.

En 1635, elle se composait de 14 hommes sous le commandement de Robert de Grache, premier sergent du comte de Pas de Feuquières.
Le duc de Lorraine Charles IV, exilé de ses états depuis deux ans, y revient en 1635 avec une nombreuse armée d’Impériaux.
Quelques semaines lui suffisent pour reconquérir son duché, et s’établir fortement au camp retranché de Rambervillers.
Le château de Moyen lui parait indispensable pour couvrir ses avant-postes et recevoir les renforts impériaux.
Il s’en empare sans coup férir : Robert de Grache qui n’aurait pu opposer qu’une résistance dérisoire avec sa garnison de 14 hommes est pour ce fait condamné à mort.

Sur ordre du cardinal-ministre Richelieu, le maréchal De la Force, commandant des troupes du roi de France en Lorraine s’employa à reprendre la forteresse de Moyen gouvernée alors par Jean d’Arbois de Xaffevillers.

Ce qui fut fait le 18 septembre 1635, après un siège de plusieurs jours et 406 coups de canon.

  • mais dès 1636, Jean d’Arbois prend sa revanche et réinvestit le château de Moyen, qu’il remet aux mains du duc de Lorraine.
    Les Lorrains, de nouveau maîtres du château s’empressent d’en réparer et d’en augmenter les fortifications. Mais la garnison est formée de mercenaires sans solde qui vivent “sur la bête” et font des “courses” jusqu’aux environ de Nancy et deviennent pendant trois ans la terreur du pays.
  • 1639 Richelieu, décidé à en finir, donne alors ordre à Du Hallier, gouverneur de Lorraine, de prendre cette forteresse et de la détruire sans merci.

Ce fut la fin du château de Moyen.

Il subit le sort de tous ceux qui avaient abrité des résistances contre Richelieu. Il fut en partie démoli, et il ne resta de l’oeuvre de Conrad Bayer de Boppard que quelques pans de murs noircis par la poudre, et une partie de l’habitation du châtelain.

A cette même époque, le fléau de la peste qui s’était abattu sur Moyen en 1587 et en 1610 reparut avec son cortège accoutumé : la guerre et la famine…

La guerre de 30 ans (1618-1648)

Cette guerre de religion interne au christianisme (catholiques vs protestants) sur fond de rivalités entre grandes familles monarchiques, se solda par la disparition de près d’un quart (25%) de la population européenne de l’époque !

Ainsi en va-t-il souvent avec les religions “de paix et d’amour”…

Les historiens nous disent que plus de 600 000 Lorrains tombèrent sous le glaive des soldats, sous le vent de la contagion ou sous les étreintes de la faim.

Moyen, qui avant 1630 comptait cent-quatre-vingt maisons “belles et habitées” n’en avait plus que vingt-quatre en 1642.

Quelle fut la condition de nos ancêtres en ces temps reculés ?

Sans doute celle de la plupart des “serfs” et des “vilains” d’alors, avec cette aggravation que la Lorraine était alors comme le grand chemin des invasions, et que les seigneurs écclésiastiques n’étaient pas les moins exigeants de tous.

“Aucune époque n’a été plus atroce que celle-ci pour le pauvre paysan.
Sa vie sans intérêt, puis qu’il n’était pas propriétaire et n’avait aucun espoir de s’enrichir, sans bien-être, que dis-je, privé de toutes les choses nécessaires, sa vie était une transe continuelle.
Il faut savoir qu’autour des châteaux il y avait généralement une vaste enceinte palissadée, destinée à recevoir les serfs du domaine et leurs troupeaux à l’approche de l’ennemi.
Être dans sa pauvre maison comme un lièvre au gîte, l’oreille toujours tendue, cultiver hâtivement et avec dégoût une terre ingrate; au moindre bruit de danger, se réfugier dans l’enceinte seigneuriale.
Camper là, dans le dénûment et la crainte, à peine abrité et pas du tout nourri, en proie aux maladies épidémiques qui ne manquaient pas de se développer au sein de ces agglomérations malsaines; en sortir affamé, tremblant, pour voir sa masure à terre et ses récoltes en cendres; avoir à réparer le dommage, à tout recommencer, avec la perspective d’une nouvelle invasion prochaine : telle était l’existence du paysan.”

(Petite histoire du peuple français, par Paul Lacombe, Jules Bué · 1882)

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